A la suite de dysfonctionnements touchant à la structure du bâtiment et au traitement des effluents apparus consécutivement à la prise de possession des lieux et à la mise en exploitation de la station d’épuration, le maître d’ouvrage a saisi le juge des référés d’une demande d’expertise. Le tribunal y a fait droit et une première expertise a été réalisée afin de mesurer l’étendue des dommages. Ultérieurement, le maître d’ouvrage a, dans le cadre d’un référé provision, demandé une nouvelle expertise et engagé la responsabilité contractuelle solidaire du maitre d’œuvre et des entreprises. Le juge a fait partiellement droit à sa demande puisqu’il a rejeté la demande d’expertise. Les différentes parties ont interjeté appel devant la Cour administrative d’appel de Marseille. Celle-ci tranche plusieurs points de droit, dont trois méritent notre attention.
Un protocole d’accord transactionnel a été signé entre les constructeurs et le maître d’ouvrage. Il avait pour objet d’ « assurer le fonctionnement de la station d’épuration par l’exécution de travaux d’urgence et d’éviter la survenue d’incidents ou un risque de pollution ». Sans surprise, les constructeurs dont la responsabilité était recherchée invoquait la signature de ce protocole transactionnel pour soutenir qu’en procédant à la signature de cette transaction, le maître d’ouvrage avait nécessairement renoncé à mettre en cause leur responsabilité. Le juge rejette un tel argumentaire et conclut que le protocole est inapplicable au litige étant donné qu’il n’a pas pour objet la réparation intégrale des désordres touchant la station d’épuration. Par conséquent, le protocole ne revêt pas l’autorité de la chose jugée, et ne peut être opposé au maître d’ouvrage aux fins de demandes indemnitaires.
En second lieu et toujours pour éviter la mise en cause de leur responsabilité contractuelle, les constructeurs soutenaient que le maitre d’ouvrage avait réceptionné tacitement la station d’épuration. En effet, ce dernier avait pris possession des lieux et mis en fonctionnement la station après la réalisation, par les constructeurs, des travaux de réparation. Dès lors, ce comportement démontrait que le maître d’ouvrage avait considéré les travaux de réparation suffisants et avait, en mettant en fonctionnement la station, réceptionné l’ouvrage. Cette démonstration ne va pas convaincre la Cour administrative d’appel de Marseille.
Le juge relève, en effet, que la station d’épuration n’a jamais fonctionné dans des conditions satisfaisantes, rendant l’ouvrage impropre à sa destination. De plus, il considère qu’aucune pièce du dossier ne démontre que le maître de l’ouvrage a entendu, en prenant possession de la station d’épuration, prononcer sa réception. Surtout, les pièces du dossier démontrent qu’après la mise en fonctionnement de la station d’épuration, le maître d’ouvrage a continué à faire part aux constructeurs d’importants dysfonctionnements et les échanges entre les parties démontrent que les essais n’étaient pas concluants.
L’absence de réception définitive des travaux n’est pas sans conséquence pour les débiteurs de l’obligation de conformité de l’ouvrage. En effet, le maître d’ouvrage peut, en l’espèce, rechercher la responsabilité contractuelle des constructeurs alors que la station d’épuration fonctionne, certes mal, mais fonctionne depuis de nombreuses années. Cet arrêt confirme, donc, que la prise de possession par le maître de l’ouvrage d’un équipement et sa mise en fonctionnement pendant plusieurs années ne vaut pas réception tacite de l’équipement, et prolonge la responsabilité contractuelle des constructeurs.
La Cour administrative apporte, enfin, d’importants éclaircissements sur la relation « maitre d’ouvrage – entrepreneur – maître d’œuvre ». L’expertise judiciaire a, en effet, démontré dans ce dossier, que le projet établi par le maître d’œuvre comportait de nombreuses lacunes. Le DCE était ainsi incomplet et imprécis et ne comportait pas d’études biologiques sur la composition des effluents à traiter. Or, bien que non responsable de ces lacunes, le Cour administrative considère que la responsabilité contractuelle des entreprises peut être engagée. En effet, au titre de leur devoir de conseil, il appartenait aux entreprises d’informer le maitre d’ouvrage des erreurs de conception qu’elles peuvent détecter dans le DCE. Il leur appartenait, ainsi, de demander la réalisation d’études complémentaires si elles estimaient le DCE imprécis. Par conséquent, pour violation de leur devoir de conseil, la responsabilité contractuelle des entreprises est engagée solidairement avec celle du maître d’œuvre
CAA Marseille, 9 janvier 2017, Communauté de Communes Vallée de l’Ubay, req n°15MA03446